Tout observateur impartial des sorties hebdomadaires du Hirak a dû constater, à propos de celle de vendredi dernier, 19 mars, deux faits. Contrairement à ce qu’a rapporté une certaine presse, nationale et internationale, et à ce qui se dit sur un prétendu retour en force du Hirak depuis sa reprise des manifestations de rue, la réalité est là: celui-ci est en évidente perte de vitesse. Le nombre de “marcheurs” était, en effet, loin de ce qui était attendu et de ce qui a été rapporté. Baromètre par excellence de la bonne – ou mauvaise – santé du Hirak, Alger a confirmé son net recul en matière de mobilisation. Jusqu’à la fin de la prière du vendredi, La Capitale était, en effet, restée calme. Mis à part le dispositif policier – des plus habituels, il faut le dire – déployé ce jour là, rien n’indiquait qu’une manifestation de rue allait avoir lieu. Ce n’est qu’après la sortie des mosquées que les choses ont commencé à s’animer. Après l’arrivée de derniers manifestants – ceux en provenance de Bab-el-Oued et de la place des Martyrs, à savoir – aux lieux de rassemblement habituels, tout un chacun pouvait aisément vérifier que le Hirak était vraiment en perte de vitesse. Tous les “marcheurs du vendredi”, dans leur diversité politico-idéologique, auxquels il y a lieu d’ajouter les inévitables curieux et autres, n’occupaient que la portion de la rue Didouche Mourad comprise entre le cordon policier qui a été installé une cinquantaine de mètres plus bas que le cinéma “L’Algeria” et l’esplanade faisant face à la Grande poste. Et encore, avec beaucoup d’espaces entre les différents carrés de marcheurs. Ce qui, il faut le dire, ne faisait pas grand monde. Ceci pour le premier des deux faits qui ont caractérisé la marche du vendredi 19 mars. Le second a trait à la dérive dans laquelle s’est fourvoyé le hirak depuis la reprise des manifestations de rue. Une dérive dans (pour le moment?) la teneur des slogans scandés qui, selon tous les observateurs impartiaux de la scène politique nationale, est révélatrice des pernicieuses tentatives visant à imposer à l’opinion publique nationale – en particulier, aux jeunes générations qui n’ont pas vécu la période en question – une lecture totalement orientée des tragiques événements que l’Algérie a vécus durant la décennie noire du terrorisme. Et dont le caractère pernicieux réside dans le fait qu’elle vise à dédouaner les terroristes islamistes de toute responsabilité dans les crimes qu’ils ont commis contre le peuple algérien et, dans le même temps, à en faire porter le chapeau à l’ANP et à ses services de renseignements. Fait aggravant, ce vendredi, les “marcheurs” – et pas que les islamistes d’entre eux – ont rajouté à leur grave slogan de “moukabarate irhabia” (les services de renseignement sont les véritables terroristes), des menaces à peine voilées contre l’institution militaire. En citant nommément les généraux Toufik et Nezzar pour leur crier qu’ils n’avaient “pas oublié les années 90”, tout en précisant que ces années étaient, pour reprendre littéralement ce qui a été scandé, “des années d’égorgement », ils n’ont fait, en effet, que cela. La gravité d’une telle escalade dans la teneur des slogans scandés est confortée par la réaffirmation, par les “marcheurs du vendredi”, de leur détermination à s’opposer à la tenue des Législatives du 12 juin prochain. Et quand on connaît de quelle manière des citoyens de certaines wilayas du pays – de la Kabylie, en particulier – ont été empêchées de voter lors de la Présidentielle du 12 décembre 2019 et du référendum sur la Constitution du 1er novembre 2020, on ne peut que prendre au sérieux de telles menaces. Surtout que des précédents similaires existent dans l’aire géo-civilisationnelle à laquelle appartient l’Algérie. C’est par des attaques contre leur armée que les entreprises de destruction, toujours en cours, de l’Irak, de la Syrie, du Yémen et de la Libye ont commencé. Le “hirak à la dérive” est-il dans cette logique? Son entêtement à vouloir imposer son “point de vue” par la rue, porte à le croire…
Mourad Bendris