De toutes les rencontres que le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a déjà eues, à peine rentré de son séjour médical en Allemagne, avec des partis activant sur la scène politique nationale, celle avec le FFS est, à l’évidence, la rencontre qui a le plus focalisé l’attention des médias et des observateurs. Non pas que le plus vieux parti d’opposition du pays ait plus de poids que les autres formations déjà reçues mais pour la brèche que son acceptation de rencontrer le président de la République a ouvert dans les rangs de la mouvance dite démocratique; une mouvance qui se distingue, depuis, notamment, le 22 février 2019, date de la brusque apparition sur la scène politique nationale du Hirak, par une opposition (presque) sans failles au pouvoir en place. Et à tout ce qui en provient. Regroupés, essentiellement, dans les Forces du pacte de l’alternative démocratique, plus connu sous l’appellation de PAD, les tenants de cette position, qui n’hésitent pas à s’ériger en porte-paroles officieux du Hirak, ne reconnaissent, en effet, aucune légitimité au Président Tebboune. Rejetant la sortie de crise dans les cadres constitutionnel et institutionnel, défendue, entre autres, par le Haut-commandement de l’ANP, qui a abouti, en décembre 2019, à l’élection du Président Tebboune, ils continuent de défendre, comme solution incontournable à ladite crise, l’ouverture d’une période de transition, gérée par une instance présidentielle composée de personnalités qui feraient consensus dans les rangs du Hirak, dont la finalité dernière serait la mise en place d’institutions nationales crédibles. Sauf qu’ils se gardent de préciser comment seraient désignés les membres de l’instance présidentielle qui serait en charge de la période de transition. Et ce, alors même que la durée de cette dernière ne fait pas consensus parmi ses partisans.
Le FFS partisan d’une opposition souple au pouvoir?
Des “inconnues” qui ont fait que nombre de citoyens algériens voient dans cette sortie (de crise) “une aventure aléatoire ”. S’il est difficile de croire que le FFS, un ardent et constant défenseur d’une période de transition couplée à l’élection d’une Constituante, ait quitté le PAD parce qu’il s’opposait à l’exigence de celui-ci d’une telle période, on ne peut, par conséquent, que s’interroger “sur les divergences de fond avec les partis le composant” avancés, le 6 novembre 2020, par Youcef Aouchiche, son Premier secrétaire, pour justifier le retrait du FFS de ce regroupement de l’opposition. L’acceptation par le plus vieux parti de l’opposition de rencontrer le président de la République semble une première réponse à ces interrogations. Tout indique, en effet, que l’une de ces divergences réside dans la nature de l’opposition devant être menée face au pouvoir en place: le FFS, contrairement au noyau dur du PAD constitué, entre autres, par le RCD, le PT, l’UCP (de Zoubida Assoul), RAJ et le MDS autres membres du PAD, plaidant pour une opposition souple à celui-ci; “souple” dans le sens où il est partisan de maintenir des passerelles ouvertes avec lui. La rencontre d’hier avec le Président Tebboune est, à l’évidence, une claire expression de cette souplesse. Sauf que cette dernière n’est pas, à l’évidence, là aussi, pour le FFS, un abandon de sa ligne politique. Et ce, comme l’a clairement prouvée la déclaration que Youcef Aouchiche, son premier secrétaire, a lue au sortir de sa rencontre avec le président de la République. Les points qu’elle contient sonnent, en effet, comme des conditions à satisfaire par le pouvoir pour que le FFS s’engage plus en avant dans un dialogue avec lui. Et ce, que ce soit dans un cadre restreint, c’est-à-dire, bilatéral, ou plus large qui engloberait toutes les forces politiques et personnalités nationales. En exposant au Président Tebboune les détails de son “Initiative de sortie de crise pour l’avènement de la Deuxième République”, qu’il a dévoilée, la première fois, en mars 2019, le FFS indique clairement qu’il souhaite que celle-ci serve de cadre au dialogue souhaité.
Le FFS, porte-parole du PAD?
Sauf qu’une lecture plus attentive de la déclaration précitée, lue par Youcef Aouchiche, poussent nombre d’observateurs avisés de la scène politique nationale à se demander si, en demandant au président de la République de procéder, urgemment, “à la libération des détenus d’opinion, à l’ouverture des champs politiques et médiatiques, et à levée des entraves sur l’exercice des libertés politiques et individuelles et collectives, la défense des droits de l’Homme et l’annulation des contraintes contre les militants politiques, associatifs et syndicaux”, toutes des revendications qu’il partage avec ses anciens “alliés” du PAD, le FFS ne s’est pas fait le porte-parole de ce dernier auprès de la présidence de la République. Et, partant, des tenants du pouvoir. Les mêmes observateurs n’écartent pas cette éventualité. A l’appui de leur lecture, la crainte des partis de la mouvance dite démocratique de voir le pouvoir réussir dans l’application de son agenda politique. Lequel prévoit, avant la fin du premier semestre de l’année en cours, la tenue d’élections législatives anticipées. Un rendez-vous qui, s’il venait à se tenir sans la participation des composantes du PAD, signifierait l’occultation de celles-ci du champ politique national; le temps d’une législature, ce qui est sûr, pour toutes, mais définitivement, pour certaines.
Mourad Bendris