La vague de protestations juvéniles au Maroc s’est renouvelée fin septembre 2025, cette fois avec une carte plus étendue et un rythme plus soutenu : manifestations dans des dizaines de villes, appels numériques relayés jusque dans les écoles et universités, et une riposte sécuritaire marquée par des arrestations massives et des procédures judiciaires dénoncées par des associations de défense des droits humains. Ce qui n’était au départ qu’un mouvement numérique sur «Discord» et «TikTok» s’est mué en un test grandeur nature de la capacité de l’État à dialoguer avec une génération qui revendique dignité et services publics.
Organisations numériques et ancrage populaire
Un mouvement juvénile décentralisé, identifié sous des noms comme «GenZ 212» ou «Morocco Youth Voices», a utilisé les plateformes numériques pour appeler à des manifestations les 27–29 septembre. Cette fois, l’appel visait explicitement les lycéens et étudiants afin d’organiser des sit-in dans les établissements scolaires et universitaires, marquant un élargissement du terrain de la contestation.
Les revendications : santé, éducation et dignité économique
La colère est partie d’Agadir, où des habitants ont dénoncé la dégradation des hôpitaux, puis s’est élargie à des demandes plus générales : emploi, amélioration de l’enseignement, accès digne aux soins et dénonciation de politiques publiques jugées incohérentes. Pour beaucoup de jeunes, voir des milliards investis dans de grands projets alors que les services de base se détériorent est devenu inacceptable.
Sur le terrain : heurts, arrestations et récits divergents
Les forces de l’ordre se sont déployées massivement à Rabat, Casablanca, Agadir, Tanger et ailleurs pour empêcher les rassemblements. Des centaines d’arrestations ont été signalées, parfois lors d’interventions d’agents en civil. Des ONG de défense des droits humains mettent en garde contre une stratégie visant à étouffer la contestation par la peur et la répression.
Écoles et universités : nouveaux foyers de contestation
Les appels adressés aux étudiants se sont traduits par des rassemblements symboliques dans plusieurs établissements. Ce retour de l’université comme espace de mobilisation politique rappelle des traditions anciennes de contestation et confère au mouvement une base organisationnelle plus solide.
Réactions officielles et civiles
Le gouvernement, jusqu’à présent, a opté pour le silence, sans ouvrir de dialogue officiel avec les jeunes protestataires. Des associations réclament la libération des détenus et le respect du droit de manifester pacifiquement, avertissant que l’absence de réponse politique ne fera qu’envenimer la situation.
Risques d’escalade et spécificités du mouvement
Trois éléments distinguent ce soulèvement :
- Une génération hyperconnectée, capable de comparer ses conditions de vie avec le reste du monde.
- L’entrée des campus et lycées dans la dynamique contestataire.
- Une répression policière perçue comme répétitive et qui nourrit le ressentiment au lieu de le désamorcer.
Quels scénarios pour l’avenir ?
- Apaisement par le dialogue et les réformes : ouverture d’un vrai débat avec les jeunes, amélioration rapide de la santé et de l’éducation, et respect des libertés fondamentales.
- Escalade sécuritaire et politique : multiplication des arrestations et fermetures d’espaces d’expression, au risque d’élargir la mobilisation et d’approfondir le fossé entre l’État et la jeunesse.
Conclusion : un test pour la crédibilité de l’État
Le Maroc fait face à un défi crucial : écouter une génération qui considère que sa dignité ne peut être différée, ou parier encore une fois sur la répression pour contenir la colère. L’extension des protestations aux établissements scolaires et universitaires, conjuguée aux arrestations massives, change la donne. Le choix que fera l’État dans les prochains mois déterminera l’orientation de la scène politique et sociale.