mercredi, 10 septembre, 2025

Deux ans après le séisme d’Al-Haouz : les rescapés entre tentes de misère et promesses creuses du Makhzen

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Deux ans après le séisme d’Al-Haouz : les rescapés entre tentes de misère et promesses creuses du Makhzen

Deux ans après le séisme dévastateur qui a frappé le Maroc le 8 septembre 2023, la mémoire des ruines et des corps ensevelis sous les décombres a laissé place à une autre image tout aussi dramatique : celle de familles entassées dans des tentes déchirées, des conteneurs métalliques ou même des voitures transformées en abris de fortune. Alors que le gouvernement se félicite de l’avancée de son plan de reconstruction, les rescapés, eux, dénoncent un abandon pur et simple.

Lundi, à Rabat, des dizaines de sinistrés ont manifesté devant le Parlement pour marquer le deuxième anniversaire de la catastrophe et dénoncer leur exclusion du programme officiel d’aide. « Nous avons perdu notre maison… mais nous avons été écartés des aides sans aucune explication. C’est une injustice criante », témoigne Ibrahim Ashkijo, qui vit toujours dans un conteneur près de Marrakech. À ses côtés, Aïcha Ouchane, venue des environs de Ouarzazate, confie : « Nous survivons dans une voiture. On nous dit que nous n’avons pas droit à l’aide. C’est inhumain. »

Le bilan est pourtant accablant. Le séisme, d’une magnitude comprise entre 6,8 et 7, avait fait près de 3 000 morts et détruit plus de 55 000 habitations, principalement dans les montagnes du Haouz. Mais deux ans plus tard, des provinces entières comme Ouarzazate et Azilal restent en marge du plan de reconstruction, malgré les annonces spectaculaires d’un programme gouvernemental de 11 milliards d’euros sur cinq ans. Des chiffres impressionnants qui ne changent rien au quotidien des sinistrés, toujours privés de logements décents et de compensations équitables.

Derrière les discours officiels, une autre réalité s’impose : discrimination et clientélisme dans la distribution des aides. Les témoignages recueillis révèlent que de nombreuses familles ont été écartées arbitrairement, tandis que d’autres ont bénéficié des subventions grâce à leurs réseaux d’influence ou leur proximité avec les autorités locales. Le drame d’Al-Haouz illustre ainsi une constante du système makhzénien : absence de transparence, gestion autoritaire des crises et instrumentalisation de la misère à des fins de contrôle social.

Conséquence directe : plusieurs familles n’ont eu d’autre choix que l’exode vers les villes, aggravant leur précarité. Des enfants ont quitté l’école faute d’établissements reconstruits, des malades attendent toujours la réhabilitation de centres de santé détruits, et des villages entiers restent isolés. Pendant ce temps, les autorités préfèrent mettre en avant leurs investissements colossaux dans des projets de prestige au Sahara occidental, laissant les rescapés du Haouz dans un oubli organisé.

Ce constat soulève une question essentielle : le séisme du 8 septembre n’a-t-il pas révélé un autre tremblement de terre, politique celui-là ? Deux ans après, le Makhzen reproduit la même équation : promesses grandiloquentes et communication optimiste face à une réalité désespérante. Mais à force d’ignorer la colère des sinistrés, le pouvoir risque de transformer une tragédie naturelle en bombe sociale.

Les rescapés de Rabat n’ont pas demandé de privilèges. Leur revendication est simple : être indemnisés de manière juste, retrouver un toit digne, et voir leur dignité reconnue. Leur cri d’alerte met en lumière ce que les rapports officiels ne disent pas : Al-Haouz reste sous les décombres, non pas seulement de pierre, mais de promesses trahies et d’indifférence institutionnalisée.

En définitive, si le séisme a détruit des villages entiers, c’est l’inaction de l’État et les choix du Makhzen qui ont brisé la confiance des citoyens. L’Histoire retiendra que deux ans n’ont pas suffi pour reconstruire la vie des rescapés, mais qu’elles ont suffi pour exposer les failles béantes d’un système incapable de répondre à l’urgence humaine.

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