La disparition d’Ahmed Zefzafi, père de l’icône du Hirak du Rif, Nasser Zefzafi, emprisonné depuis 2017, a bouleversé l’opinion publique marocaine et internationale. Ce décès dépasse le cadre familial : il illustre de façon dramatique les souffrances endurées par les familles des prisonniers politiques et révèle la cruauté d’un système carcéral marqué par l’arbitraire.
Pendant des années, Ahmed Zefzafi a porté la voix des familles du Hirak. Vieil homme digne et persévérant, il n’a cessé de dénoncer l’injustice subie par son fils et par des dizaines d’autres jeunes rifains condamnés à de lourdes peines pour avoir réclamé des droits sociaux élémentaires : hôpitaux, écoles, emploi. Son combat, mené jusqu’à son dernier souffle, s’est heurté à un mur d’indifférence. En refusant obstinément la libération de Nasser, malgré les appels répétés de la société civile et des ONG, le Makhzen a choisi de prolonger la souffrance.
Une politique de punition collective
Le fait d’avoir empêché Nasser de dire adieu à son père incarne une cruauté psychologique difficile à justifier. Les normes internationales, notamment les règles Mandela des Nations unies, garantissent aux détenus le droit à l’humanité et au respect de la vie familiale. Le Maroc, pourtant signataire de conventions internationales, foule ces principes aux pieds.
Cette politique ne vise pas seulement les prisonniers, mais aussi leurs proches. À travers la douleur des familles, le pouvoir cherche à briser toute résistance collective. Le décès d’Ahmed Zefzafi, comme d’autres parents de détenus morts sans revoir leurs enfants, illustre une logique de punition qui dépasse les murs des prisons.
Des abus systémiques dans les prisons marocaines
Les ONG nationales et internationales documentent régulièrement des violations graves dans les établissements pénitentiaires du royaume :
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Isolement prolongé et transferts arbitraires utilisés comme instruments de répression.
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Privation de soins médicaux, alors que certains détenus souffrent de maladies chroniques nécessitant un suivi.
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Restrictions injustifiées des visites familiales ou des contacts avec les avocats.
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Traitements dégradants : fouilles humiliantes, confiscations abusives d’objets personnels.
Ces pratiques s’inscrivent dans une logique de vengeance politique. Les prisonniers du Hirak, comme de nombreux journalistes et défenseurs des droits humains, paient le prix fort de leur engagement pacifique.
Le cas inquiétant de Mohamed Ziane
Parmi les prisonniers actuels, la situation de Mohamed Ziane est particulièrement alarmante. Ancien ministre, avocat et figure connue de la défense des droits humains, il est détenu depuis 2022 dans des conditions très dures. Âgé de plus de 80 ans, souffrant de problèmes de santé, il est exposé à un risque réel de décès en prison.
Le sort de Ziane fait écho à celui de Nasser Zefzafi : si ce dernier a perdu son père durant son incarcération, Ziane pourrait perdre sa propre vie derrière les barreaux, victime du même système impitoyable. Sa détention rappelle la volonté du Makhzen d’éliminer toute voix critique, quel que soit le statut ou l’âge du prisonnier.
Une tragédie qui dépasse le Rif
La mort d’Ahmed Zefzafi n’est pas une tragédie locale. Elle touche l’ensemble du Maroc et interpelle la communauté internationale. Elle met en lumière l’écart abyssal entre les discours officiels sur la démocratie et les pratiques réelles du pouvoir. Elle rappelle aussi que chaque prisonnier est le centre d’une famille brisée, condamnée à vivre dans la douleur et le deuil.
Appel à une mobilisation internationale
Cette tragédie appelle à un sursaut. Les organisations de défense des droits humains, nationales et internationales, doivent redoubler d’efforts pour exiger la libération des prisonniers politiques au Maroc. Car derrière chaque cellule se cache un drame humain. Derrière chaque nom – Nasser Zefzafi, Mohamed Ziane et tant d’autres – il y a des vies suspendues, des familles sacrifiées, une société muselée.
Le décès d’Ahmed Zefzafi restera comme un symbole douloureux de l’injustice marocaine. Mais il peut aussi devenir un catalyseur pour une mobilisation plus large, afin d’éviter que d’autres drames encore plus cruels ne viennent endeuiller le pays