Chaque fois que les vents de la colère populaire soufflent sur le Maroc, le Makhzen dégaine sa vieille arme : celle des « réformes ». Comme si un simple texte de loi pouvait effacer des décennies de corruption, de clientélisme et d’impunité. La dernière manœuvre en date est la validation, lors du dernier Conseil des ministres, de deux projets de loi — l’un concernant la Chambre des représentants et l’autre les partis politiques — présentés comme une étape vers la moralisation de la vie publique.
Mais la réalité est tout autre. Le Makhzen ne légifère pas pour sanctionner les corrompus, il légifère pour mieux les contrôler. Ce prétendu « nettoyage de la vie politique » n’est rien d’autre qu’un vernis destiné à masquer les fissures d’un système en décomposition, et à calmer la rue après la montée des protestations menées par la génération Z et la révélation, par diverses ONG, de l’ampleur alarmante de la pauvreté au Maroc.
Mohamed Ghloussi, président de l’Association marocaine de protection des deniers publics, a parfaitement résumé la situation : « L’institution législative a été envahie par des corrompus qui l’utilisent comme un bouclier contre la reddition des comptes. » En effet, le Parlement marocain n’est plus un espace de législation, mais un refuge pour trafiquants d’influence, blanchisseurs d’argent et prédateurs de fonds publics. Pendant que ces derniers jouissent de l’immunité, les jeunes militants et journalistes sont emprisonnés simplement pour avoir réclamé dignité et justice.
Aujourd’hui, le régime parle de « renouveler les élites » et de « rajeunir la vie politique », tout en refusant la libération des détenus du Hirak du Rif, de Maître Mohamed Ziane, et de tous les prisonniers d’opinion. Comment parler d’une « nouvelle ère » quand la répression se poursuit, que les médias indépendants sont muselés, et que les gouverneurs et walis impliqués dans des scandales électoraux sont reconduits sans la moindre enquête ?
Sous couvert de réformes, le Makhzen tente de convaincre l’opinion nationale et internationale qu’il marche vers la transparence, alors que la justice sélective reste la règle et que les lois ne servent qu’à recycler les mêmes visages compromis. Les Marocains ne réclament pas de nouveaux textes ; ils exigent simplement l’application de ceux qui existent déjà.
Les rapports du Conseil supérieur des comptes et des associations anticorruption regorgent de preuves sur le pillage organisé des fonds publics. Pourtant, rien ne bouge. Ces dossiers dorment dans les tiroirs parce que le véritable code du Makhzen, c’est l’impunité pour les puissants et la répression pour les faibles.
Si le régime veut réellement ouvrir une nouvelle page, il doit commencer par libérer tous les prisonniers d’opinion, juger les grands corrompus et confisquer les fortunes accumulées au détriment du peuple. Les Marocains en ont assez des promesses et des effets d’annonce ; ils veulent des actes.
Des lois « moralisatrices » sans moralité dans la gouvernance ne sont qu’un écran de fumée. Tant que la corruption reste le ciment du pouvoir, aucun décret ne restaurera la confiance du peuple.
Le Makhzen se trompe s’il croit que les slogans peuvent apaiser une génération entière. La jeunesse marocaine, celle qui descend aujourd’hui dans la rue, n’attend plus rien des discours royaux ni des fausses réformes. Elle dit clairement : « Assez de mensonges, assez de corruption, assez de répression. »
Les lois ne créent pas la vertu ; c’est la vertu qui donne sens à la loi. Et tant que le Makhzen ne l’aura pas compris, il restera prisonnier de son propre mensonge institutionnalisé.