Alors que le Makhzen marocain continue de promouvoir, devant la communauté internationale, un discours séduisant sur “la réforme”, “la transition démocratique” et “le modèle marocain d’ouverture”, la réalité intérieure en offre une image bien différente.
Le même État qui peine à garantir à ses propres citoyens la liberté, la justice et la dignité, prétend aujourd’hui être en mesure “d’accorder des droits” à un autre peuple – celui du Sahara occidental – sous le couvert d’une “autonomie régionale”.
Une contradiction flagrante qui résume le paradoxe du discours officiel marocain : parler des droits à l’extérieur, tout en les niant à l’intérieur.
Depuis plus de deux décennies, le pouvoir marocain répète inlassablement la rhétorique de la “réforme politique profonde” et de la “transition démocratique progressive”.
Mais les faits sont têtus : arrestations de journalistes et de militants, répression des mouvements sociaux, musellement des voix indépendantes, recul de la justice et de la transparence, et surtout, une fracture grandissante entre l’État et la société.
Comment un régime incapable de garantir les droits élémentaires à ses citoyens pourrait-il en garantir à d’autres ?
Le narratif marocain, destiné au public international, repose sur trois piliers :
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L’exception marocaine, censée incarner un îlot de stabilité dans une région agitée ;
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L’image d’un État réformateur, avançant “lentement mais sûrement” vers la démocratie ;
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La proposition d’autonomie comme “solution réaliste et crédible” au conflit du Sahara occidental.
Pourtant, un examen attentif de ces piliers révèle une architecture fragile, faite d’apparences plus que de substance.
La stabilité vantée par le pouvoir repose moins sur la confiance que sur la peur, moins sur le consensus que sur la contrainte.
Quant à la “réforme” brandie à l’extérieur, elle demeure, à l’intérieur, une promesse indéfiniment reportée — un instrument de légitimation d’un système de gouvernance centralisé où la décision reste entre les mains du sommet.
La proposition d’autonomie pour le Sahara occidental, saluée dans certaines capitales occidentales comme un “compromis politique”, se heurte à une incohérence fondamentale : l’absence de crédibilité démocratique interne.
Comment parler d’autonomie crédible quand les régions marocaines elles-mêmes sont dépourvues de véritables pouvoirs ?
Et comment garantir les droits des Sahraouis alors que ceux des Marocains sont quotidiennement restreints au nom de “l’ordre public” et des “lignes rouges” ?
En réalité, le dossier saharien sert désormais d’outil diplomatique et de vitrine internationale pour masquer l’essoufflement du projet réformiste marocain.
Au lieu d’affronter les défis internes — corruption, chômage, déficit de liberté, absence d’alternance réelle —, le Makhzen préfère exhiber ses “projets structurants” dans les provinces du Sud et parler de “développement” là où il faudrait parler de légitimité politique.
La stratégie est claire : convaincre le monde que le Maroc est capable de donner des droits, sans jamais les accorder pleinement à ses propres citoyens.
Mais le vernis s’effrite. Les rapports successifs d’Amnesty International, de Human Rights Watch ou de Reporters sans frontières documentent la régression des libertés et la criminalisation de toute dissidence.
Et de plus en plus de voix, en Europe et ailleurs, s’interrogent : si le “modèle marocain” échoue à instaurer la démocratie chez lui, comment pourrait-il le faire au Sahara occidental ?
La vérité est simple : l’autonomie authentique commence par l’exemple national.
Il ne peut y avoir d’autonomie crédible au Sahara sans démocratie effective à Rabat, Casablanca ou Tanger.
Parler du “droit à la gestion locale” des Sahraouis, alors que les Marocains eux-mêmes sont privés de participation réelle, relève de la contradiction.
Au fond, le Makhzen vend à l’extérieur un rêve qu’il n’a jamais su réaliser à l’intérieur.
Mais la légitimité, contrairement à la propagande, ne s’exporte pas : elle se construit, patiemment, dans la confiance des citoyens et la justice des institutions.
Tant que cela ne sera pas accompli, le “projet d’autonomie” restera un slogan creux masquant une réalité plus dure : un régime qui n’a pas encore su libérer les siens, et qui prétend libérer les autres.
