الخميس 24 جويلية 2025

Le Makhzen marocain et la promotion du Nouvel An juif : entre normalisation et soumission stratégique

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Le Makhzen marocain et la promotion du Nouvel An juif : entre normalisation et soumission stratégique

Par : R. Malek

L’expansion lente mais résolue de l’entité sioniste en Afrique du Nord franchit une nouvelle étape, cette fois par la voie symbolique et culturelle. Une partie de la communauté juive marocaine, soutenue par des réseaux proches du Makhzen et de puissants relais des Accords d’Abraham, relance la demande de reconnaissance officielle du Nouvel An juif, « Rosh Hashana », comme jour férié national au Maroc.

L’information, relayée par plusieurs médias marocains tels que Hespress, Tanja24, AnbaeTV ou encore iNews, confirme une offensive plus subtile mais non moins significative : celle de l’enracinement symbolique du sionisme dans le tissu institutionnel marocain. L’événement qui a relancé ce débat s’est tenu récemment à Marrakech, lors d’une conférence de l’Académie El-Youssi (affiliée au Mouvement Populaire), où le Rabbī Jackie Kadouch, président de la communauté juive de la région Marrakech, a ouvertement appelé à ce que Rosh Hashana bénéficie du même statut que les autres fêtes nationales comme le Nouvel An hégirien, grégorien ou amazigh.

Ce n’est pas la première fois qu’une telle demande est formulée. Mais la nouveauté réside cette fois dans le contexte géopolitique et idéologique post-Accords d’Abraham. Le Maroc, en normalisant ses relations avec l’entité sioniste en 2020 sous le parrainage des États-Unis et des Émirats arabes unis, a ouvert une brèche que Tel-Aviv tente aujourd’hui d’élargir sous couvert de pluralisme religieux et de reconnaissance de la diversité.

Le masque du pluralisme

Depuis la révision constitutionnelle de 2011, le Maroc se veut un État pluraliste, mettant en avant l’héritage hébraïque comme composante de l’identité marocaine. Cette orientation a été renforcée par l’officialisation de Yennayer, le Nouvel An amazigh, en 2023. Cette décision, hautement symbolique et saluée à juste titre, sert aujourd’hui de tremplin à d’autres revendications identitaires. Mais dans le cas présent, la question de Rosh Hashana dépasse de loin le cadre culturel.

Les promoteurs de cette initiative ne sont pas seulement des citoyens marocains de confession juive. Ils s’inscrivent, volontairement, dans une stratégie plus large d’inscription de l’entité sioniste dans le paysage africain et nord-africain. En offrant une légitimité institutionnelle aux symboles religieux liés à l’identité sioniste, le Makhzen ouvre une nouvelle porte à l’influence « d’Israël » sur le continent.

Les Accords d’Abraham, bras politique de l’infiltration

La logique sous-jacente à cette initiative est claire : consolider la présence idéologique, culturelle et économique de l’État sioniste au Maroc, en utilisant les leviers du dialogue interreligieux et du respect des minorités. Derrière ces termes flatteurs, se cache une entreprise politique parfaitement huilée.

Les sponsors de cette vision, notamment les cercles diplomatiques américains, émiratis et ceux de l’entité sioniste, cherchent à faire du Maroc une tête de pont vers l’Afrique. L’officialisation de Rosh Hashana comme jour férié serait un signal fort, une validation implicite de cette progression. Elle renforcerait l’idée que le Maroc n’est plus seulement un partenaire économique ou sécuritaire « d’Israël », mais un terrain conquis culturellement, étape après étape.

Une mémoire instrumentalisée

Les cercles proches du Makhzen justifient cette démarche par le souci de préservation de la mémoire juive marocaine et du vivre-ensemble. Mais là aussi, les intentions apparaissent ambivalentes. Reconnaître l’apport historique des marocains de confession juive, nombreux à avoir quitté le pays dans les années 1950-60 vers la Palestine occupée, ne signifie pas valider l’agenda politique de l’État sioniste qui, aujourd’hui, instrumentalise cette mémoire pour légitimer sa politique de colonisation en Palestine et son ancrage dans le monde arabe.

Le risque d’une fracture symbolique

La tentative de normaliser Rosh Hashana en tant que jour férié national ne relève pas seulement d’un enjeu de calendrier. Elle pose une question plus profonde : celle de la souveraineté symbolique et culturelle d’un pays à la croisée des chemins. En plaçant au même rang une fête nationale amazighe arrachée après des décennies de luttes identitaires, et une fête religieuse adossée à un projet politique sioniste, le Maroc s’expose à une confusion des repères.

Cette démarche risque d’alimenter le malaise au sein d’une population majoritairement musulmane, solidaire du peuple palestinien, et réticente à voir l’agenda sioniste progresser sous couvert de tolérance.

Le Maroc est-il en train de devenir la plateforme de lancement du projet sioniste en Afrique du Nord ? La question mérite d’être posée à l’aune de ces signaux faibles, mais lourds de conséquences. Derrière la reconnaissance symbolique d’une fête religieuse, c’est tout un processus d’ancrage stratégique qui se met en place, avec la bénédiction d’un Makhzen prompt à sacrifier des repères historiques au nom d’un nouveau partenariat géopolitique.

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