Dans un geste qui a pris de court même certains de ses propres partenaires, la Commission européenne a signé un nouvel accord commercial avec le Maroc incluant des produits provenant du Sahara occidental occupé, l’ancienne colonie espagnole toujours en attente de décolonisation.
Une décision qui a déclenché une vague de critiques au Parlement européen, où plusieurs députés ont dénoncé une “récompense politique et économique à une occupation illégale”.
Un accord bâti sur les ruines du droit
Selon El Independiente, une trentaine de députés européens issus des groupes de la gauche, des Verts et du centre ont adressé une lettre officielle à la présidente du Parlement, Roberta Metsola, exigeant des explications sur ce qu’ils considèrent comme une violation flagrante du droit européen.
La Commission aurait en effet lancé la mise en œuvre de l’accord sans vote parlementaire et sans consulter le peuple sahraoui, pourtant reconnu comme la partie concernée par les résolutions de l’ONU.
Pour les signataires, il ne s’agit pas d’une simple erreur administrative, mais bien d’un glissement politique majeur, qui ressuscite les logiques coloniales d’hier sous un vernis technocratique.
Une économie construite sur la dépouille de la légitimité
L’accord permet au Maroc d’exporter vers les marchés européens des produits agricoles et halieutiques en provenance de Laâyoune, Dakhla et Oued Eddahab, sous la désignation euphémisée d’“Provinces du Sud”.
Mais cette terminologie masque une réalité juridique indiscutable : ces territoires ne sont pas marocains selon le droit international.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a d’ailleurs annulé des accords similaires en 2016 et en 2021, au motif qu’ils avaient été conclus sans le consentement du peuple sahraoui.
Malgré cela, la Commission a choisi d’ignorer les arrêts pour présenter un “accord global de bénéfices partagés” — une formule hypocrite pour contourner la légalité.
Le double standard européen
Ironie tragique : l’Union européenne, qui impose des sanctions à la Russie pour l’annexion de territoires ukrainiens, finance aujourd’hui de fait une autre occupation en Afrique, en injectant des centaines de millions d’euros dans des projets au Sahara occidental.
Le média européen Euractiv a qualifié cette entente de “sale marché qui ruine la crédibilité morale de l’Europe”.
Le quotidien espagnol Diario Red y voit “la vieille logique coloniale sous un déguisement de coopération économique”.
Qui paie le prix ?
Les Sahraouis, bien sûr, mais aussi les agriculteurs européens.
Les syndicats agricoles dénoncent un accord qui ouvre la porte à des produits à bas prix, créant une concurrence déloyale et menaçant des milliers de petites exploitations en Espagne, en France et au Portugal.
Plus grave encore : selon plusieurs ONG, Bruxelles devient ainsi partenaire actif dans le pillage des ressources naturelles d’un peuple qui attend son droit à l’autodétermination depuis près d’un demi-siècle.
L’argent contre le silence
Cet accord intervient dans un contexte d’offensive diplomatique franco-espagnole pour soutenir les projets marocains dans la région, notamment le port de Dakhla Atlantique, financé à hauteur de 100 millions d’euros par l’Agence française de développement (AFD).
Les capitales européennes semblent avoir adopté la doctrine cynique du “cash contre le silence” : transformer le droit international en variable d’ajustement au service du gaz, de la migration et des investissements.
Conclusion : l’Europe qui vend ses principes
Comme l’a résumé un député européen signataire de la lettre de protestation :
“L’Union européenne a perdu ce qu’il lui restait de crédibilité morale en choisissant de soutenir une occupation coloniale au nom du développement.”
En une seule signature, l’hypocrisie européenne s’est dévoilée : démocratie dans les discours, cynisme dans les actes.
Celui qui ferme les yeux sur les violations au Sahara occidental ne peut plus parler de justice en Ukraine, à Gaza ou ailleurs.
L’Union européenne n’a pas simplement commis une erreur :
elle a signé l’acte de décès de sa propre cohérence morale.
Et une question demeure :
L’Europe des valeurs est-elle désormais à vendre, au prix d’un accord agricole de plus avec Rabat ?