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Qui a peur des élections?

Qui a peur des élections?

 

Depuis que le président de la République a annoncé la tenue, le 12 juin prochain, de législatives anticipées, la scène politique nationale connaît une animation certaine. Ceux qui ont applaudi à cette annonce, se sont lancés dans les préparatifs d’usage en pareille circonstance. Et ce, dans l’objectif – déclaré, pour certains, et espéré, pour beaucoup d’autres – d’obtenir une représentation appréciable dans la future Assemblée populaire nationale qui en sortira. Dans le camp de ceux qui rejettent, dans sa globalité, la démarche de sortie de crise initiée par le pouvoir en place depuis la démission, le 2 avril 2019, de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika, l’heure est plutôt à la réaffirmation de leur rejet de cette démarche et, partant, de toute élection qui s’y inscrit. D’où l’annonce, à quelques jours d’intervalle, par le PT de Louisa Hanoune et le RCD de Mohcine Belabbas, de leur boycott des Législatives anticipées du 12 juin prochain. Et d’où l’apparition, depuis quelques jours, dans les manifestations du hirak de slogans appelant au rejet de leur tenue. Et, surtout, à l’empêchement de cette dernière. Ce qui n’est pas nouveau: les annonces de la tenue de l’élection présidentielle du 12 décembre 2019 et du référendum sur la nouvelle Constitution du 1er novembre 2020, ont, en effet, donné lieu aux mêmes appels. Qui, dans certaines wilayas et, plus particulièrement, dans celles de Kabylie, et au sein de l’émigration, ont été suivis d’effets: les scrutins en question y ont été, en effet, sérieusement perturbés quand ils n’ont pas été carrément bloqués. Faut-il le rappeler, par l’usage de moyens sans rapport avec la pratique démocratique dont les “empêcheurs” se disaient se prévaloir. Reste à espérer que le 12 juin prochain, le bon sens l’emportera. En attendant, il est légitime de s’interroger sur les raisons qui poussent les personnalités et les partis politiques se réclamant du Hirak à rejeter les élections et à s’accrocher à une démarche (prétendument de sortie de crise) qui fait la part belle à des modes d’accès aux postes de direction du pays qui n’ont absolument rien à voir avec la pratique démocratique: pour le Hirak et ceux qui continuent de s’en réclamer les élections ne constituent, en effet, que la dernière étape de leur démarche de sortie de crise: dans toutes les autres étapes de la période de transition qu’ils veulent imposer, l’accès aux postes de direction et aux instances appelées à légiférer (durant cette période) se fera par simple désignation et cooptation. Et ce, comme le confirment les dernières déclarations de Karim Tabbou appelant le Président Tebboune à démissionner et à remettre “les clés d’El Mouradia” à des personnalités issues du Hirak. Des déclarations qui rendent encore plus pertinentes les interrogations d’une grande partie des Algériens sur les raisons qui poussent tout ce beau monde à rejeter les élections, passées et à venir, surtout qu’il (ce beau monde)ne se gêne pas pour parler au nom du peuple algérien. Comme si ce dernier adhérait effectivement à sa “vision des choses”. Si tel était le cas, en clair, si le Hirak et ceux qui s’en réclament ont la certitude, comme ils ne cessent de le clamer haut et fort, et partout, que le peuple algérien, du moins, sa majorité, les soutenait dans leur démarches, pourquoi, s’interroge cette grande partie d’Algériens, refusent-ils d’aller aux urnes? Ne serait-il pas, en effet, plus sain, pour le pays, et plus honnête, pour ceux qui parlent au nom du peuple algérien, se demandent ces Algériens, d’attendre le verdict des urnes pour voir s’ils peuvent le faire? Et si la réponse résidait dans la certitude de tout “ce beau monde” que ce verdict, pour des raisons sociopolitiques, et dans la conjoncture présente, ne lui sera aucunement favorable? 

Mourad Bendris