Les chiffres publiés par l’autorité aéroportuaire espagnole (AENA) révèlent un échec cuisant pour les liaisons ouvertes par Ryanair vers Dakhla, au Sahara Occidental occupé. Alors que le taux de remplissage moyen de la compagnie irlandaise avoisine 94 % sur l’ensemble de son réseau, ces vols n’affichent qu’une moyenne de 38 % durant les sept premiers mois d’exploitation.
La ligne Madrid–Dakhla s’en sort légèrement mieux, avec un pic de 77 % en juillet, mais celle de Lanzarote se révèle catastrophique : à peine un siège vendu sur dix, et seulement 9 % de remplissage en mars. À titre de comparaison, la compagnie régionale Binter Canarias atteint un taux moyen de 41 % sur la même destination.
Dans ces conditions, le maintien de telles routes apparaît comme une aberration économique. Mais, selon plusieurs observateurs, il s’explique par la pression exercée par le régime marocain, qui cherche à présenter Dakhla comme une destination touristique « normale », intégrée dans son territoire, malgré le statut de territoire non autonome reconnu par l’ONU et les revendications du peuple sahraoui.
Ryanair entretient en effet des liens étroits avec le Maroc : 14 avions basés dans le pays, 13 aéroports desservis, plus de 1 000 vols hebdomadaires et des investissements estimés à 1,4 milliard de dollars. Cette relation privilégiée dépasse la simple logique commerciale et transforme la compagnie en acteur indirect de la stratégie marocaine d’occupation.
Pour de nombreux analystes, deux scénarios sont possibles : soit Ryanair assume ces pertes pour préserver ses intérêts globaux au Maroc et satisfaire Rabat, soit elle finit par fermer ces lignes, comme elle l’a déjà fait avec des aéroports régionaux espagnols non rentables.
Dans tous les cas, cette affaire démontre que le transport aérien vers le Sahara Occidental est loin d’être un dossier purement économique : il devient un outil politique au service d’une occupation contestée, avec des avions qui décollent à moitié vides.